A propos du livre de Jean-Philippe POSTEL, L’affaire Arnolfini. Les secrets du tableau de Van Eyck (Arles, Actes Sud, 2016).
L’ouvrage de
Postel présente au moins quatre points communs avec le livre de
Marco Paoli Jan Van Eyck alla conquista della Rosa. Il matrimonio Arnolfini della National Gallery di Londra. Soluzione di un enigma, Lucca, Pacini Fazzi, 2010.
Les voici :
1) Le titre de l’ouvrage de
Postel,
L’affaire Arnolfini, est identique à celui du troisième chapitre du livre de
Paoli («
L’Affaire Arnolfini »).
2) La thèse exposée dans le quatrième chapitre du livre de
Postel selon laquelle le nom « Hernoul-le-Fin » dérive de celui de Saint Hernoul protecteur des cocus, et de Hernoul — personnification populaire du mari trahi — a déjà été avancée et amplement discutée dans le deuxième chapitre du livre de
Paoli, chapitre intitulé «
Hernoul, il marito tradito » («
Hernoul, le mari trahi »). Voyons en détail.
Postel affirme que « Saint Arnoul était le patron des cornards » et que les cocus appartenaient à la confraternité du saint (« On disait des cocus qu’ils appartenaient à la confrérie Saint-Arnoul ») (p.36). Il se demande ensuite : « Est-il téméraire d’affirmer qu’en ce temps-là, le nom d’Hernoul ne pouvait pas ne pas évoquer au plus grand nombre les ridicules conjugaux dont s’égayaient tant de fables et farces, poèmes, romans, contes et fabliaux? » (p.37).
Postel puis souligne la référence à la figure du cocu dans le nom « Hernoul-le-Fin » apparaissant dans les inventaires : « Hernoul-le-Fin ou le fin Cocu, Hernoul-le-Fin ou le Cocu magnifique, Hernoul-le-Fin avec sa femme ou l’archétype du bourgeois bafoué par sa trop belle et trop jeune épouse » (p. 38).
Paoli avait quant à lui affirmé : « le nom Hernoul (avec ses variantes Ernoul, Arnoult ou Arnoul) rappelle Saint Hernoul de Crépy, traditionnellement considéré comme le patron des maris cocus » («
il nome Hernoul (con le sue varianti Ernoul, Arnoult o Arnoul) richiama alla mente Sant’Arnolfo (Saint Hernoul) di Crépy, tradizionalmente considerato il patrono dei mariti cornuti » ) (p. 24).
Paoli avait cité la « Confraternité de Saint Hernoul, le seigneur des cocus » («
Confraternità di Sant’Arnolfo, il signore dei Cornuti ») (p. 24), et rappelé que « Le nom Hernoul...était à l’époque le surnom du mari trahi » («
Il nome Hernoul...era all’epoca il soprannome del marito tradito ») (p.25).
Paoli, après avoir donné une liste de romans, contes et fabliaux au contenu adultérin (pages 24-26), il avait conclu que : « Beaucoup de détails font donc penser que, lorsque le double portrait a été offert à Marguerite d’Autriche, il a presque certainement été présenté, par de Guevara lui-même, comme une figuration emblématique de l’Hernoul dans sa situation la plus caractéristique et significative, c’est-à-dire en compagnie de sa femme, à l’intérieur de la chambre nuptiale... » et que « cette identification a été mentionnée dans les deux inventaires correspondants de la galerie des Habsbourg » («
Molti particolari fanno dunque ritenere che nell’occasione del dono del doppio ritratto a Margherita d’Austria, il dipinto sia stato, quasi certamente dallo stesso de Guevara, presentato come una raffigurazione paradigmatica dell’Arnolfo nella sua collocazione più tipica ed espressiva, vale a dire in compagnia della moglie, al’interno della camera nuziale...e che l’identificazione sia stata riportata nei due inventari relativi alla quadreria dell’Asburgo ») (p. 26).
3) Paoli a le premier fait remarquer la différence entre les habits doublés de fourrure des deux époux et l’habit non adapté pour l’hiver du personnage vêtu de bleu visible dans le miroir (p. 85); Postel fait de même (page 92).
4) Le livre de
Paoli se termine en mettant en évidence l’impression de rêve qui se dégage du tableau, et la façon dont Van Eyck a utilisé la distorsion de la perspective et l’absence de proportion entre les objets pour suggérer une expérience onirique (le chapitre dix s’intitule en effet « Les fondements oniriques du tableau » («
I fondamenti onirici del dipinto »).
Postel utilise lui aussi l’idée de perception propre aux rêves (page 134), que seul
Paoli précédemment avait relevée dans son ouvrage.
Postel ne cite le livre de
Paoli qu’à la page 43 pour faire référence à la thèse selon laquelle le tableau serait en réalité le portrait de Van Eyck et de sa femme inspiré par le Roman de la Rose, mais il ne le cite pas à propos des quatre points précédents.
Postel affirme qu’il n’existe pas de version française de l’ouvrage et qu’il n’a pu le connaître qu’à travers un bref résumé (« De cet ouvrage non traduit, je n’ai pu accéder qu’à un bref résumé »).
Nous tenions à faire remarquer comment certains points importants présentés par
Postel comme des nouveautés n’en sont absolument pas, puisqu’ils ont déjà été avancés par
Paoli en 2010. Si
Postel s’était soucié de lire en entier la dernière monographie écrite sur le tableau de la National Gallery, à savoir, précisément, l’ouvrage de
Paoli, il aurait évité cette erreur scientifique.